J.O. 177 du 2 août 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2006-A.C.-4 du 15 juin 2006 relatif à la cession par EDF de Light


NOR : ECOX0609464V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre en date du 22 mai 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 20 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue par Electricité de France dans la société Light SA.

Le groupe Light emploie 4 147 personnes au 31 décembre 2005 et a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires de 4,89 milliards de reals brésiliens. La cession projetée entre donc dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article 20 de la loi du 6 août 1986 modifiée. En vertu des dispositions dudit article , l'autorisation de cession ne peut être accordée si le prix de cession est inférieur à la valeur fixée par la commission ou si les intérêts nationaux ne sont pas préservés. Il doit être également tenu compte de l'incidence des charges qui, le cas échéant, demeurent pour le secteur public après la cession.

II. - La société Light a été créée en 1905. Titulaire depuis lors d'une concession à Rio de Janeiro, elle a développé des activités de distribution, de production et de commercialisation d'électricité. La concession de Light a été renouvelée pour 30 ans en juillet 1996.

Light a été privatisé en 1996, EDF faisant partie, à hauteur de 11 %, du consortium qui en acquit alors le contrôle. De 2000 à 2002, EDF a renforcé sa participation au capital de Light, reprenant notamment les parts des autres grands actionnaires. De mai 2002 à février 2003, EDF a recapitalisé l'entreprise à hauteur de 1,3 milliard de dollars, principalement par conversion de prêts.

A la suite de l'ensemble de ces opérations, EDF détient 89,6 % du capital de Light, via EDF International (85,4 %) et Lidil Commercial (4,2 %). Les 10,4 % restants sont détenus par le public, l'action étant depuis 2005 cotée sur le Novo Mercado de la bourse de Rio de Janeiro. L'investissement du groupe EDF dans Light a été au total voisin de 3 milliards d'euros.

Pour répondre aux exigences légales brésiliennes de séparation des activités de distribution, de transport et de distribution, l'organigramme du groupe Light a été refondu fin 2005 et début 2006, avec la création d'une société holding, Light SA, qui est désormais la tête du groupe coté en bourse.

Quatrième concession en importance au Brésil, Light fournit de l'électricité à environ 3,8 millions de clients (soit environ 10 millions d'habitants) dans l'Etat de Rio de Janeiro, et notamment dans la capitale. Les clients sont principalement les particuliers (38 %), le secteur commercial (30 %) et les industriels (16 %).

Light est producteur avec cinq centrales hydroélectriques d'une capacité totale de 852 MW mais, pour l'essentiel, la société achète l'électricité qu'elle soit directement à de grands producteurs soit lors d'enchères.

A partir de l'année 2002, la situation de Light s'est dégradée jusqu'à atteindre un niveau critique en 2003, où la société a fait défaut sur sa dette. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution :

- le ralentissement de la croissance ;

- la dévaluation du real brésilien alors qu'une partie importante de la dette de Light était libellée en dollars ;

- l'augmentation des détournements d'électricité et des impayés ;

- l'insuffisance de la hausse autorisée des tarifs de 2003 à 2005.

Le poids écrasant des charges financières a conduit la société à afficher des résultats nets fortement négatifs pour les exercices 2002, 2003 et 2004.

En défaut de paiement de sa dette privée courant 2003, Light a entamé des négociations avec ses créanciers pour obtenir sa restructuration. La société a également profité d'un programme public de soutien aux entreprises de distribution d'électricité, notamment à travers l'intervention de la banque de développement brésilienne BNDES. L'accord avec les créanciers a été concrétisé en juillet 2005.

Grâce à cet allégement des charges financières, à l'appréciation du real par rapport au dollar, à un ajustement tarifaire plus favorable en 2005 et à une évolution positive de la conjoncture économique brésilienne depuis 2004, Light a connu durant l'exercice 2005 un début de redressement de sa situation qui reste toutefois fragile. L'EBITDA s'est élevé pour 2005 à 766 millions de reals (326 millions de dollars), le résultat d'exploitation à 443 millions de reals et le bénéfice net a été de 243 millions de reals. Les fonds propres s'élèvent à 1,7 milliard de reals (730 millions de dollars) et la dette financière nette à 3,1 milliards (1 300 millions de dollars).

III. - Dans le cadre de sa stratégie de recentrage sur l'Europe, EDF a décidé de céder ses participations en Amérique latine. Dès la restructuration de la dette de Light achevée, le processus de cession de la société a été lancé avec comme objectif de créer les conditions d'une concurrence entre les acquéreurs potentiels afin d'obtenir les meilleures conditions possible.

Fin 2005, douze investisseurs potentiels ont accédé à des informations et sept d'entre eux ont remis une offre indicative en novembre qui portait à la fois sur les activités de distribution et de production de Light. Six candidats ont été retenus pour participer à une deuxième phase du processus qui comprenait notamment l'accès à une salle d'information (data room), à la suite de quoi cinq offres fermes ont été reçues par EDF. Au regard des conditions proposées, EDF a choisi l'offre du consortium RME qui lui est apparue la meilleure en termes de prix, de mode de paiement (comptant) et de garanties.

La cession de Light à RME comprend les éléments essentiels suivants :

- cession pour 320 millions de dollars de 79,6 % du capital de Light ;

- EDF conserverait 10 % du capital de Light, librement cessibles 90 jours après l'opération ;

- garanties de passif données par EDF aux acquéreurs avec un plafond de 40 millions de dollars ;

- garantie donnée par EDF sur un risque juridique spécifique, partagée à 50 % avec l'acquéreur ;

- contre-garantie bancaire de premier plan donnée par les acquéreurs à EDF sur une garantie accordée par ce dernier à une banque créancière de Light.

IV. - Le consortium Rio Minas Energia (RME) retenu comme acquéreur par EDF a été constitué à parts égales par quatre investisseurs brésiliens :

- la Companhia Energética de Minas Gerais (CEMIG), créée en 1952, société cotée d'économie mixte, est la plus grande entreprise d'électricité du Brésil. Titulaire de la concession de distribution d'énergie électrique dans l'Etat de Minas Gerais, elle est également un producteur important, principalement d'hydroélectricité ;

- Andrade Gutierrez Concessoes est un des principaux opérateurs brésiliens de concessions, notamment autoroutières. Il appartient au groupe Andrade Gutierrez, un des plus grands groupes privés d'Amérique latine, principalement présent dans la construction et aussi les télécommunications ;

- Pactual Energia Participaçoes est un fonds d'investissement géré par Pactual SA, importante banque d'investissement de Rio de Janeiro ;

- JLA Participaçoes est un fonds d'investissement brésilien.

V. - Conformément à la loi, la commission a disposé du rapport d'évaluation de Light établi par un expert indépendant.

L'expert a procédé à l'estimation de la société selon deux méthodes :

- l'actualisation des flux nets disponibles de trésorerie. Le calcul se base sur un plan d'affaires établi par Light jusqu'en 2013 et la valeur terminale est établie sur la base d'un taux de croissance de 4 % à l'infini des flux de trésorerie. L'expert, en concertation avec EDF, a également pris en considération un plan d'affaires révisé qui se fonde sur une hypothèse moins favorable d'évolution des tarifs et sur un montant plus élevé d'investissements, notamment pour lutter contre les pertes d'électricité ;

- l'application des multiples boursiers de sociétés cotées comparables : l'expert retient huit des treize sociétés du secteur énergétique cotées à la bourse de Sao Paulo et étudie les multiples de chiffre d'affaires et d'EBITDA sur 2005 et 2006.

L'expert exclut comme référence de valorisation la capitalisation boursière de Light (1 milliard de dollars à la date de son évaluation) en raison de la faible liquidité du titre et du fait que, selon lui, le cours ne reflète pas les fondamentaux de Light.

L'expert exclut également la valeur comptable des fonds propres (825 millions de dollars), soulignant qu'elle a souffert de fluctuations importantes et que son montant actuel est directement lié aux recapitalisations réalisées par EDF.

Au total l'expert estime que le prix proposé par les acquéreurs s'inscrit dans la fourchette de l'évaluation DCF selon le plan d'affaires révisé et est en ligne avec les multiples implicites d'EBITDA des sociétés cotées comparables si l'on tient compte du risque que Light ne réalise pas son objectif pour l'exercice 2006.

VI. - La commission observe que le prix obtenu par EDF pour la cession de Light se traduit, pour un investissement de l'ordre de 3 milliards d'euros, par une moins-value considérable, même si celle-ci est déjà couverte comptablement par des provisions. Ce fait s'explique tant par des éléments extérieurs (conditions économiques et monétaires locales, hausses de prix concédés trop faibles) que par les insuffisances de la gestion de la société qu'EDF n'a pu exercer pleinement qu'à partir de 2004. Par ailleurs, EDF consent des garanties au vendeur sur des litiges en cours qui ne sont pas exemptes de risques d'appel.

Le prix de cession est largement inférieur au cours de bourse de Light et au montant de ses fonds propres ; cependant ces deux éléments sont relativisés par EDF et ses conseils qui soulignent que le cours de bourse n'apparaît pas significatif compte tenu du faible montant de transactions et que le montant des fonds propres doit être interprété dans le contexte monétaire et financier.

Ces conditions de cession pourraient paraître défavorables. Il est cependant clair que la sortie d'EDF de Light est un élément important qui participe à la clarification de la stratégie du groupe et qui éteindra un foyer de perte jusqu'ici récurrent. L'annonce de la cession a ainsi été accueillie positivement par le marché financier.

La procédure suivie permet de penser que le processus de cession a été objectif et concurrentiel. Le prix qui en a résulté peut donc être considéré comme un prix de marché, dans un contexte difficile.

La commission a estimé, au vu de ces éléments, que le dossier rendait nécessaire qu'EDF puisse bénéficier d'une participation à l'éventuelle plus-value que réaliserait l'acquéreur s'il cédait à court terme tout ou partie de sa participation. Les acquéreurs ont accepté un amendement en ce sens à l'accord initial. De plus, EDF est susceptible de réaliser une plus-value sur la participation de 10 % qu'il conserve dans Light, en cas de retour à meilleure fortune de la société.

Dans ces conditions, la commission estime que la cession, même si elle se traduit au total par une importante moins-value, sert la stratégie patrimoniale et industrielle d'EDF.

VII. - Pour ces motifs et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable au projet de décret dont le texte est annexé au présent avis et visant à autoriser le transfert au secteur privé par EDF de la société Light SA.